Une vie donnée librement et par amour


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Mais cette liberté de Jésus était aussi nourrie et accompagnée par l’amour: amour pour le Père, assurément, mais encore pour la vérité et la justice, et amour pour nous, les hommes. Oui, pour que soit manifesté le fait que Jésus dépose sa vie librement et par amour — et non pas contraint par le destin ou par des circonstances fortuites — Jésus anticipe par un signe ce qui va lui arriver. À table, avec ses disciples, Jésus accomplit sur le pain et sur le vin des actions qu’il accompagne de ses paroles: son corps est rompu et donné aux hommes, son sang est versé et donné pour tous. Et le signe de sa mort imminente devient sacrement d’action de grâces; c’est l’eucharistie que les chrétiens devront célébrer en mémoire de Jésus, pour être eux aussi impliqués dans ce geste qui est de donner sa vie pour les frères, pour les autres: à la fin de cette action, Jésus s’écrie: «Faites ceci en mémoire de moi!» Jusqu’à son retour, pour toute la durée du temps où les chrétiens vivent dans le monde, entre la mort-résurrection de Jésus et sa venue dans la gloire, c’est dans la célébration de ce geste de leur Maître et Seigneur que les chrétiens seront façonnés comme disciples, qu’ils participeront à la vie même du Christ, qu’il sauront que lui, le Seigneur, est avec eux jusqu’à la fin de l’histoire.

Le Jeudi saint ne peut donc pas ne pas célébrer cet événement qui anticipe la passion de Jésus, ce récit de son exode de ce monde au Père. Mais dans la liturgie du Jeudi saint, de manière significative, l’Église ne rappelle et ne vit pas uniquement ce geste de son Seigneur, comme dans chaque célébration eucharistique, mais elle vit et elle répète encore un autre geste de Jésus: celui du lavement des pieds. Le quatrième évangile en effet rappelle lui aussi «le dernier repas de Jésus avec les siens» (cf. Jn 13,1-2), ce repas où fut dévoilé le traître et annoncé le reniement de Pierre et la fuite des autres disciples, ce repas partagé à l’occasion de la dernière Pâque de Jésus à Jérusalem, avant sa mort. Toutefois, plutôt que de décrire le signe du pain et du vin, Jean raconte le signe du lavement des pieds! Pourquoi une action «autre», un signe «autre»? Pourtant même le quatrième évangéliste connaît le récit de l’eucharistie: depuis plusieurs décennies déjà, l’Église célèbre ce sacrement. Pourquoi alors le souvenir d’un autre signe? On peut considérer fort probable que ce choix du quatrième évangile soit motivé par une urgence ressentie dans l’Église à la fin du Ier siècle: la célébration eucharistique ne peut pas être un rite détaché d’une pratique cohérente d’agapé, d’amour et de service pour les frères, car c’est là précisément sa signification — donner sa vie pour les frères! L’évangéliste veut ainsi réactualiser le message de l’eucharistie, en rappelant cette alternative: soit l’eucharistie est service réciproque, don de la vie pour l’autre, amour jusqu’à la fin, soit elle n’est qu’un rite qui appartient à la «scène» de ce monde.